Maximilien Laroche, l’Haïtiano-Québécois aux semelles du vent
Décidément, le mois de juillet 2017 sème impitoyablement le deuil dans notre monde littéraire. Après le décès des poètes et écrivains Serge Legagneur, Claude C. Pierre et Jean-Claude Fignolé, le professeur Maximilien Laroche, critique, essayiste, philosophe, homme de lettres s’en est allé. Il avait 80 ans.
Né au Cap-Haïtien en 1937, il a enseigné durant près de 40 ans à l’Université Laval au Québec. Sa voix douce, légèrement féminine, lui a valu pour ainsi dire les taquineries anodines, mais très amicales de Raphaël Confiant qui lui disait : « Je ne crois pas que Jean-Jacques Dessalines parlait comme ça ! » Et notre Maximilien Laroche de se donner une bosse de rire. Sans sourciller. Homme de bon commerce, affable et tout en modestie, il était tombé d’amour de la Martinique où il se rendait souvent pour des colloques, des cours à la fac des Lettres et Sciences humaines du campus de Schoelcher en tant que professeur invité ou dans le cadre de simples voyages d’agrément. Il était membre du jury du prestigieux prix Carbet de la Caraïbe.
Maximilien Laroche avait cette négritude tranquille, non exhibitionniste, non agressive que sans doute les Haïtiens sont les seuls Caribéens à pouvoir afficher de par leur glorieux et mémorable passé. Dans le pays le plus africain culturellement de tout le Nouveau Monde, a-t-on besoin de boubous, de locks, de carnavals en série et autres avatars pour affirmer son identité ? Mais c’est aussi le plus caribéen et Maximilien Laroche était un partisan farouche de l’haïtianité ou de la caraïbéanité. Car, selon Raphaël Confiant, le jour de l’indépendance, le 1er janvier 1804, Dessalines n’a pas cherché à effacer le nom colonial de Saint-Domingue pour lui donner celui de Nouveau-Dahomey, ou Nouveau- Congo. Il a repris l’ancien nom amérindien (Taïno de l’île), à savoir Ayiti ou pays de hautes montagnes afin de bien marquer son autochtonie. « Les Taïnos ont été exterminés jusqu’au dernier. Et c’est nous aujourd’hui les autochtones », s’est-il enorgueilli. À l’inverse, les colons européens n’ont cessé d’européaniser l’Amérique avec leur Nouvelle-Grenade, Nouvelle-Espagne, Nouvelle-Angleterre et autres Nouvelle-France.
Négritude, haïtianité, antillanité (Caribéanité, américanité toutes ces notions occupaient les recherches du professeur Maximilien Laroche et ont été au centre de la pensée de celui qui fut un grand comparatiste, auteur d’une quarantaine d’ouvrages en littérature, sociolinguistique et anthropologie. Il a su ancrer l’analyse littéraire dans l’histoire et la mythologie de son ile natale, redonnant sa juste place au vaudou. Vaudou qu’il retrouvera sous la forme du Candomblé au Brésil, pays dont il apprit la langue et devint aussi amoureux. Maximilien Laroche fut aussi un Québécois, car on ne vit pas quatre décennies dans un pays sans en subir des transformations et y être attaché. Il a analysé la littérature du Québec en lutte pour la souveraineté au cœur d’un océan anglophone.
Précurseur de l’identité multiple, de la diversalité culturelle, comme disent les auteurs de l’Éloge de la Créolité, Maximilien Laroche fut un Haïtien enraciné. Il a su s’enrichir de la France où il a fait son doctorat (Université de Toulouse) et rêvait toujours à l’Afrique-Guinée où il s’est posé les pieds à plusieurs reprises. Homme aux semelles du vent, cosmopolite, Maximilien Laroche verra assurément Legba lui ouvrir les grandes barrières du paradis du vaudou qui n’est autre que l’Afrique-Guinée. Paix à son âme !
Principales publications :
Le Miracle de la métamorphose (1970),
L’image comme écho (1978),
Littérature haïtienne, identité, langue, réalité (1981),
L’avènement de la littérature haïtienne (1987),
Dialectique de l’américanisation (1993),
La sémiologie des apparences (1994),
Mythologie haïtienne (2002),
Littérature haïtienne comparée (2007).
article original publié dans l’édition Janvier 2018 de Reflets Magazine, en P. 33, à : https://reflets.online/wp-content/uploads/2018/02/RefletMagDec2017February2018.pdf