Quand les cerfs-volants sont en deuil.

Quand les cerfs-volants sont en deuil, habillés en sac de poubelle et leur queue dégage l’odeur du fécal, le deuil est partout. Le cerf-volant se meurt.

Le cerf-volant, jeu favori de l’enfance exercé dans le ciel ou le firmament, planait au dessus des choses et des êtres, souvent plus haut et plus loin que tous les oiseaux du monde.

Son élégance battait autant les préjugés que les conventions. Tout un chacun était en extase et admirait sa posture, guettant une danse ou une pause le temps d’un sommeil. Il faisait dodo.

Que de souvenirs aiguisés portés dans ses ailes. Des ailes témoins de mille saccades et de mélancolie, quand il envoyait plus d’un dans des vallées perdues.

La faim n’avait plus de goût, jusqu’au moment où  une voix s’élève pour annoncer qu’il est temps de peloter le fil des événements et d’aller prendre un bain frais après une douche de soleil.

On se faisait beaucoup d’amis même parmi ceux qui étaient sautés. On complotait contre une jolie demoiselle de l’espace qui affichait un air hautain, arrogant et précieux, qu’il fallait à tout prix soumettre. Quand rien ne pouvait la séduire, on faisait appel à un grand don ( grandou ) dans le genre Quasimodo. Soit qu’elle plia sous sa queue, ou qu’elle rentre chez elle. heureusement, elle continua fièrement de défier le monstre.

Bien que toujours sa fin était triste, on avait aussi l’espoir qu’elle se sacrifia pour sauver son honneur. Mais, quand dans sa queue elle portait une gillette chandra, c’était toute une autre histoire. C’était une reine livrée à elle seule alors que ses gardes, que nous aurions pu être, l’observaient de loin, cloués au sol avec le sentiment d’impuissance.

La bataille, devenue inévitable parce qu’elle n’avait aucun attrait pour ce lourdeau de grandou, allait prendre une allure à couper le souffle. Elle jouait le tout pour le tout. C’était la danse entre la vie et la mort.

Gonflé dans son orgueil de courtisan et d’agresseur, genre violeur, grandou, fier et confiant, s’approchait d’elle de plus en plus avec l’assurance d’une victoire sans équivoque. Comme cela se passe entre l’aigle et sa proie, cette fois-ci entre la belle et la bête, la scène n’est point à la portée pour juger en sa faveur, intervenir ou compromettre l’issue du destin.

Par des exercices jamais vus dans les concerts habituels, notre demoiselle aura fini par déjouer son prédateur, et lui plante dans la vaine la lame sans merci qui venait de mettre fin à ce spectacle.

Viennent alors de tomber les prétentions d’un géant qui, ne sachant « comment faire l’amour avec une négresse sans se fatiguer « , finalement se retrouvera sur les rives d`un pays lointain.

Le cri incessant de la victoire du beau sur l’indécent continue de sourire dans un silence nuageux ou les hommes ont repris confiance grâce au courage d’une frêle demoiselle.

Rayonnante de joie et d’allégresse, fatiguée d’avoir autant résisté dans ce combat inégal, elle est redescendue ballottante, jusqu’à soupirer et tomber dans les bras de Morphée. Encore une victoire sans nom.

Elle sont devenues tellement rares ces demoiselles du firmament, que désormais le ciel est rempli de points noirs. Ce sont tous des parents et des amis défunts, qui se souviennent encore du temps où le papier fin n’avait point peur ni du vent ni de la pluie.

Il n’y a plus de spectacle ni l’odeur de parfum agréable. Solitaire comme une cigale le cerf-volant n’a plus d’audience. Dans une danse débrayée, il fait tout son possible pour attirer le regard, mais hélas ! son costume de guenille lui vaut son argument et son amertume, criant  » plutôt mourir que revenir au bercail « . La mort dans l’âme et dans la queue, dans un tourbillon sans fin, le cerf-volant s’efface. Ainsi viennent de surgir des souvenirs, où plus rien ne subsiste dans le ciel de l’enfance.

Aujourd’hui nos cerfs-volant sont habillés en sac de poubelle, et personne ne s’en soucie guère.

Telle est l’image qui nous permet de retracer ce que nous sommes aujourd’hui, ce nous étions hier, et ce que nous serons demain.

Je plaide

15 mai 2017

Mike Joseph

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