Lettre Ouverte à Mr le Ministre Ahmed Hussen

Brossard, lundi le 26 novembre 2018

Ahmed Hussen

  • Ministre de l’Immigration, des réfugiés et de la Citoyenneté
  • Ottawa, Canada
  • En ses bureaux.

Monsieur le Ministre,

            Je suis, Jean Willer Marius, originaire d’Haïti. Je suis reçu comme personne protégée au Canada, au sens de la convention, après avoir présenté à la cour des preuves de persécutions politiques dont je faisais l’objet en Haïti de 2015 à 2017 suite à mon passé de vice-délégué de l’arrondissement de l’Arcahaie, et à cause de mon engagement contre le règne de l’arbitraire établi sous le gouvernement répressif de Monsieur Jovenel Moise.

            Je vous écris au nom des soixante-huit signataires d’une pétition que j’ai initiée sur la plateforme change.org,au nom des quatre-cent-quinze personnes tuées par balles depuis le début de l’année en Haïti selon un rapport de la commission Justice et Paix (CE-JILAP), au nom d’une population haïtienne opprimée dans une Haïti où sévit actuellement une situation s’apparentant à une guerre civile qui transforme le pays en un vaste cimetière ouvert, au nom de tous ceux qui, avant moi, avaient compris la nécessité d’une telle démarche et en mon nom personnel, pour demander au gouvernement canadien de mettre un moratoire sur la déportation des migrants haïtiens, constitués pour la plupart de femmes et d’enfants vulnérables, le temps que le pays redevienne un espace sécuritaire pour les Haïtiens et les étrangers qui y séjournent.

            En effet Monsieur le ministre, depuis le 7 juillet 2018, la population haïtienne est livrée à elle-même. Le pays est sans boussole et les gangs pullulent. Le 17 octobre 2018, plus de trois millions de jeunes ont investi les rues dans toutes les grandes villes du pays pour réclamer des comptes concernant la dilapidation d’un fonds dénommé : Fonds Petro caribe, qui s’élève à environ 3,8 milliards de dollars US d’après les rapports des commissions sénatoriales réalisés au cours de l’année 2017.

            La manifestation s’était soldée par des morts et des blessés par balles. L’opposition en Haïti a décidé, le 31 octobre dernier, de procéder à l’inhumation publique des six cadavres recensés dans les périphéries de la capitale. Nouveau débarquement d’une police qui ne sait plus se contrôler et nouvelles victimes. Événement qui a causé la grogne des leaders de l’opposition qui avaient jugé bon de réserver la date du 18 novembre, en souvenir de la bataille de Vertières, pour manifester et réclamer le départ de l’actuel Président Jovenel Moise du pouvoir, incapable, tenant compte de ses connexions présumées avec les dilapidateurs, de tenir le Procès Petro Caribe, principale revendication de la population. Le 18 novembre, dans tout le pays, des franges de la population avaient investi les rues pour une nouvelle manifestation légale. Ils ont dû faire face à une répression policière ardue. Empêché de manifester, le peuple a décidé que le Président doit désormais remettre sa démission, et refuse de rentrer chez lui. Entre-temps le pays est la proie de gangs armés œuvrant à la solde des autorités constituées, d’après les déclarations publiques du sénateur Jean Renel Sénatus, actuel président de la commission justice et sécurité au parlement et Joseph Lambert actuel Président du sénat haïtien.

            Le quotidien en Haïti est fait de manifestations spontanées, de tirs nourris, de morts et de blessés par balles. Le peuple haïtien est aux abois et a les yeux rivés sur l’international en vue d’un dénouement à la crise. Le Canada a mis un sursis sur les déportations et l’a levé aussitôt, pour des raisons qui dépassent notre entendement. La situation est critique à un point tel que personne n’est sûr de rentrer sain et sauf, s’il devait se risquer à sortit de chez lui en Haïti présentement. Et pour cause, les portes des écoles sont restées fermées.

            Monsieur le Ministre, au nom de ce peuple massacré à longueur de journée dans un pays où aucun droit n’est respecté nous vous demandons, sans vouloir contester la décision rendue par le ministère de l’Immigration de renvoyer ces Haïtiens, de mettre un moratoire sur la déportation des migrants haïtiens  et de recevoir avec nos remerciements anticipés, nos respectueuses salutations.

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Jean Willer Marius

  • c. c. :
  • Alexandra Mendès, honorable députée Brossard-La prairie
  • Justin Trudeau, très honorable député de Papineau
  • Emmanuel Dubourg, honorable député de Bourassa-Sauvé
  • Gabriel Sainte-Marie, honorable député de Joliette
  • Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique
  • Stéphane Handfield, avocat en droit de l’immigration
  • François Dostaler, Avocat
  • Aux Journalistes-Montréal

liens médias : http://reseauhem.info/2018/11/26/lettre-ouverte-a-mr-le-ministre-ahmed-hussen/;  http://www.jwm-magazine.com/2018/11/25/lettre-ouverte-a-mr-le-ministre-ahmed-hussen/http://www.jwm-magazine.com/2018/11/25/lettre-ouverte-a-mr-le-ministre-ahmed-hussen/

 

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