L’enfant Jésus sauvé par la migration !
Lorsqu’ils furent partis, voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et dit : Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Égypte, et restes-y jusqu’à ce que je te parle; car Hérode cherchera le petit enfant pour le faire périr. Joseph se leva, prit de nuit le petit enfant et sa mère, et se retira en Égypte. Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode, afin que s’accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète : « J’ai appelé mon fils hors d’Égypte ». (Mathieu chapitre deuxième).
Eh oui Jésus aussi a été un migrant !
Notre Seigneur lui-même fut un réfugié au tout début de sa vie, lorsque sa famille chercha refuge en Égypte pour échapper à la persécution d’Hérode, et la multiplicité des chartes et traités internationaux mis en place depuis pour protéger l’humanité n’empêche que beaucoup choisissent cette même voie.
La Bible regorge d’histoires de gens qui se sont déplacés pour fuir leurs pays. Les déplacements de population ne sont pas le fruit du seul rêve ou de l’utopie. La Bible nous relate d’ailleurs sans fard les causes de ces déplacements humains qui, déjà, se faisaient pour chercher les pâturages de la subsistance, voire de la survie.
- C’est la famine qui conduit Abraham, puis les frères de Joseph à chercher refuge en Égypte.
- C’est l’oppression qui conduit au désert dans une fuite désespérée les esclaves hors d’Égypte.
- C’est la famine qui conduit Noémie, la belle-mère de Ruth, à gagner le pays de Moab.
- C’est la guerre qui déplace en exil à Babylone une partie de la population de Juda.
- Ce sont les persécutions politiques qui ont obligé Joseph de partir avec Marie et le petit Jésus.
Aujourd’hui, ce sont ces mêmes réalités qui conduisent des milliers d’hommes et de femmes à se lever et à marcher.
Voilà pourquoi toutes les histoires se ressemblent. Les agents de l’immigration se demandent souvent pourquoi tout le monde raconte la même histoire ? La réponse est simple : Nous sommes humains. Nonobstant la langue que nous parlons ou la question de l’épiderme ; ce sont les mêmes souffrances qui nous arrachent ces cris du cœur même si nous sommes issus d’horizons divers. Et les mots pour le dire s’apparentent car il n’y a pas d’autres mots pour décrire les maux dont nous sommes victimes. C’est le champ lexical de la honte et du désespoir qui nous approvisionne et au final nos histoires se ressemblent parce que nous sommes du même monde.
Comment rester sur place sans tenter au moins de risquer sa vie ailleurs pour soi ou pour ses enfants ? Bien sûr, cette fuite d’abord ancrée dans le désespoir est ensuite peu à peu portée par l’espoir. Car seul l’espoir peut permettre de braver au quotidien, sac au dos, la précarité, l’incertitude, le chemin jamais terminé, les frontières à franchir, la mer menaçante. On quitte rarement sa famille et son pays de gaieté de cœur.
Cet arrachement est la première d’une longue série d’épreuves qu’affronte la personne migrante dans sa quête d’une « terre promise » où elle espère trouver paix et sécurité. À la merci d’exploiteurs de toutes sortes, le migrant subit souvent le rejet et le mépris. Il est regardé comme un danger potentiel, ou même un délinquant.
Récemment les médias du monde entier ont tourné en boucle la vidéo de migrants vendus comme du bétail, qui aurait cru possible pareille infamie en plein 21e siècle marqué par des avancées en tous genres. Nous nous enlisons dans un silence coupable, certains condamnent avec une force insignifiante et les bandits courent toujours. L’exploitation de l’homme par l’homme a toujours existé mais de là à recommencer à en revendre au prix de 350 euros par tête, c’est notre honte à tous et en tant que chrétiens il nous faut dire non. Si des esprits malades estiment que le teint de l’épiderme est une raison suffisante d’abêtir des milliards de fils et de filles de Dieu. Nous nous devons de les éclairer sur le fait que notre créateur fait luire son soleil sur tous les continents.
Une fois dans le pays d’accueil, la désillusion est grande par rapport aux rêves du départ : il faut survivre, trouver un logement, un travail, et surtout obtenir les indispensables papiers sans lesquels on est condamné à vivre dans la peur, et dans la crainte d’un contrôle qui débouchera sur l’arrestation et l’expulsion. Être chassé et rentrer au pays les mains vides, alors que la famille a parfois tout donné pour financer le voyage de celui ou celle qui pourra, en cas de réussite, assurer l’entretien de tous, est un échec et une honte, quand la mort n’est pas au rendez-vous tout simplement.
Intérieurement, le migrant brûle de colère, de douleur et d’humiliation. Colère du fait de son impuissance, douleur de se sentir seul, et humiliation d’avoir perdu le respect de soi-même. Beaucoup d’entre eux sont pris dans ce cycle qui consiste à s’agenouiller devant les toilettes pour les nettoyer, puis s’agenouiller dans la prière pour trouver la force de continuer à le faire et d’oublier ce bureau qui fut le leur, il était une fois, quand ils étaient là-bas, au pays.
Les individus mal intentionnés ou mal informés indexent les migrants et oublient souvent que dans le lot il y a de toutes les étoffes. Des cadres qui se déplacent pour sauver leur peau à cause des intolérances et du mépris total des droits de l’homme qui sévissent de l’autre coté du continent lors même que pour la consommation internationale les lobbyistes affirment que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Des femmes et des familles exploitées, qui viennent de peiner depuis tant d’année de l’autre coté de la frontière, sacrifiant leurs loisirs et leur sommeil pour faire rouler l’économie et au final qui se retrouvent avec en main une lettre de déportation. Et aussi, en petit nombre, des malfrats qui partent pour échapper à la justice, ce dernier groupe est facilement repérer suite à l’examen des données biométriques.
Naturellement du temps de la Bible il n’y avait pas tous ces moyens sophistiqués pour décanter les migrants et le pays d’accueil se doit de protéger ses concitoyens contre tout individu dangereux qui tente de s’immiscer pour venir troubler la paix publique, toutefois cela ne doit pas être pour nous un prétexte pour ne pas ressentir la souffrance de ceux qui subissent la migration forcée, partager leur fardeau et couvrir les besoins humains essentiels et immédiats de ces personnes vulnérables qui se retrouvent déplacées à la fois extérieurement et intérieurement. Notre vision à long terme doit être de les rétablir, si tel est leur désir. Ce rétablissement se fonde sur la dignité, l’égalité, la sécurité et la prospérité. Cela étant, la passivité n’a pas sa place dans la vie chrétienne. Si nous sommes témoins de la souffrance d’autrui ou que nous avons conscience que certains ont été privés des droits et libertés qui leur viennent de Dieu, il est de notre devoir d’agir.
Au-delà des statistiques et des polémiques, la personne migrante est avant tout un être humain aimé de Dieu, avec une histoire unique et complexe. Un être fragilisé par les épreuves subies, l’absence de ses proches, la précarité matérielle, le déracinement culturel, linguistique, religieux.
Il sera peut-être difficile de savoir de quoi l’avenir sera fait, mais au moins ne pouvons-nous pas donner au présent le cachet d’un geste humaniste solidaire ?
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Par : Jean Willer Marius
- Philosophe-Écrivain
Montréal, octobre 2017
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